Le contexte >
Le projet de loi sur
les retraites sera examiné au Parlement
à partir du 7septembre.
Le texte fait supporter l’essentiel des sacrifices aux salariés,
sans solution durable pour le financement
des retraites.
La CGT formule des propositions alternatives.
Les pensions >
Selon le Conseil d’orientation des retraites, le taux de remplacement moyen (le rapport entre
la pension et le salaire d’activité) baisserait de
21 % à l’horizon 2050. (Rapport 2010 du COR)
La phrase
>
"Il est évident que pour assurer de vraies retraites à tous, notre
pays devra un jour repousser l’âge légal du départ à la retraite."
Laurence Parisot, présidente du Medef
Le chiffre > 1 million
C’est le nombre d’emplois qui pourraient être confisqués aux
jeunes d’ici 2016 au motif que leurs parents devraient travailler
plus longtemps.
Même si 6 salariés sur 10 aujourd’hui ne sont plus en activité au moment de liquider leurs droits à la retraite.
Le financement >
La réforme proposée par le gouvernement est foncièrement inégalitaire puisque
85 % des efforts
sont demandés aux salariés.
Les hauts revenus et
ceux du capital sont relativement épargnés.
Capitalisation >
Les partisans de la retraite par capita- lisation se font plus discrets.
Et pour cause : les fonds de pensions de la zone de l’OCDE ont perdu près d’un quart de leur valeur en 2008 avec la chute
des cours boursiers. Soit la bagatelle de
5 400 milliards de dollars.
Repères
13 juillet 2010 :
Présentation du projet
de loi au Conseil des
ministres.
7 septembre 2010 :
Début des discussions à l’Assemblée nationale.
Fin octobre 2010 :
Prévision d’adoption
du texte.
1er juillet 2011 :
Début d’application
de la réforme.
Vivement la retraite
La retraite d’aujour-
d’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était hier. La grande majorité de
ceux qui arrivent au terme de leur vie professionnelle ont encore devant eux 20 à 25 années à
vivre, même si de fortes inégalités socioprofessionnelles subsistent en la
matière.
La retraite n’est plus synonyme de vieillesse et les retraités peuvent profiter
pleinement d’une nouvelle tranche de vie après le travail. À condition
encore qu’ils en aient les moyens, ce qui passe
par la défense du droit au départ en retraite à
60 ans avec un niveau de pension décent.
Point de vue
Il est impératif que les autorités conservent la
confiance des marchés des capitaux. La
mise en œuvre des réformes des systèmes
de pensions et de santé pourrait témoigner d’une telle
détermination.
Jorgen Elmeskov,
de l’OCDE.
|
Sommaire
Retraites
Grande
mobilisation
le 7 septembre partout en
France à l’appel de toutes les organisations syndicales pour imposer
une autre réforme des retraites.
«C’est un grand jour,
vous vous souviendrez de ce Conseil des ministres », a lancé le président
de la République, le 13 juillet, à l’adresse des membres de son
gouvernement.
Les Français, eux, se
souviendront du courage politique de Nicolas Sarkozy qui a présenté
en pleine période estivale la réforme sans doute la plus régressive
de son quinquennat. Ce projet de réforme des retraites est en effet
l’un des plus durs d’Europe. La principale mesure réside dans
le recul de l’âge légal du départ en retraite de 60 à 62 ans
en 2018 pour les salariés du secteur privé comme pour les
fonctionnaires. L’allongement de la durée du travail se ferait au
rythme de quatre mois par an à partir de juillet 2011 (2017 pour
les salariés des régimes spéciaux), soit deux fois plus vite
qu’en Allemagne par exemple. Simultanément, l’âge auquel est
garantie l’attribution d’une pension à taux plein, quelle que
soit la durée de cotisation, serait porté de 65 à 67 ans. Et la
durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux
plein passerait à 41 ans en 2012 et à 41,5 ans en 2020.
L’application de ces mesures pénaliserait l’emploi en réduisant
le nombre de postes disponibles, particulièrement pour les jeunes
qui ont déjà toutes les peines du monde à s’insérer sur le
marché du travail. Elle aurait pour effet de réduire le montant
des pensions, en durcissant les conditions d’obtention des droits
pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Les femmes, dont
30 % sont contraintes de travailler aujourd’hui jusqu’à 65 ans
faute d’avoir pu constituer une carrière complète, les
travailleurs précaires, les salariés qui ont connu d’importantes
périodes de chômage seraient particulièrement concernés. |
Le texte fait l’impasse
totale sur la question de la pénibilité du travail, à la grande
satisfaction du Medef. Seuls les salariés justifiant d’une
incapacité permanente de 20 % résultant d’un accident du travail
ou d’une maladie professionnelle pourraient prétendre au bénéfice
d’un départ anticipé… à l’âge de 60 ans.
Le gouvernement évalue ainsi à 10 000 cas par an le nombre de
salariés susceptibles de profiter du dispositif. Soit à peine 1 %
des départs annuels en retraite, alors que la CGT considère
qu’au moins 15 % des salariés devraient être concernés.
Les fonctionnaires sont particulièrement mal aimés du
gouvernement. Le taux de leurs cotisations passerait de 7,85 % à
10,55 % en dix ans. Toute idée de compensation est récusée à
l’avance, alors que le point d’indice servant à calculer les
salaires a déjà perdu 9 % sur l’inflation depuis 2000. Pire, le
gouvernement entend geler pendant trois
ans la valeur du point d’indice au nom de la rigueur.
Par ailleurs, le droit à un départ anticipé des agents, mères de
trois enfants et ayant quinze ans de service, disparaîtrait à
compter de 2012. Quelque 15 000 personnes en profitaient chaque année.
Enfin, l’alignement des règles d’obtention du minimum garanti
sur celles du minimum contributif conduirait à amputer jusqu’à
200 euros les petites pensions.
Au total, cette réforme serait financée à hauteur de 22,6
milliards d’euros par les salariés et de 4,4 milliards d’euros
par les hauts revenus et les entreprises en 2018. Un cheval, une
alouette ! Les premiers supporteraient cinq fois plus de sacrifices
que les seconds.
Laurent Mossino |
L’autre
réforme
La CGT formule des
propositions alternatives concrètes au projet gouvernemental. Elles
impliquent une tout autre politique du financement de nos retraites.
La CGT milite en faveur
d’une « maison commune des régimes de retraite » permettant de
solidariser les différents régimes tels qu’ils sont, avec leurs
spécificités et leurs histoires respectives. Il s’agit de
promouvoir un socle commun de droits et de garanties de haut niveau
au bénéfice de tous les salariés sans exception. Le premier
principe à retenir est celui d’un départ en retraite à l’âge
de 60 ans, en permettant aux salariés ayant exercé des travaux pénibles
de partir plus tôt. Le montant minimal de la pension doit être égal
à 75 % du salaire de référence, avec un système d’indexation
sur l’évolution du salaire moyen et non sur les prix comme
aujourd’hui. L’instabilité de l’emploi et les difficultés
des jeunes à s’insérer sur le marché du travail obligent à
redéfinir la notion de « carrière complète » nécessaire à
l’obtention des droits. La CGT propose de valider dans le calcul
des droits à retraite les années d’étude, les périodes de
stages, de formation, de recherche d’un premier emploi et
d’inactivité forcée qu’un salarié peut rencontrer au cours de
sa carrière, entre 18 ans et 60 ans. La gouvernance de cette
« maison commune » reviendrait majoritairement aux représentants
élus des salariés, conformément au principe qui a prévalu
au moment de la création de la Sécurité sociale. |
Il est impossible de
garantir l’avenir de nos retraites sans une tout autre réforme du
financement. Sur le long terme, la solution passe inévitablement
par le redressement de la situation de l’emploi, sachant qu’un
million d’emplois supplémentaires rapporte cinq milliards d’euros
de cotisations sociales pour financer les retraites. Mais la CGT
formule d’autres propositions de plus court terme. Notamment : la
remise à plat de la politique d’exonération de cotisations
patronales et une modulation de l’assiette de ces cotisations
visant à favoriser les politiques vertueuses en matière
d’emploi, cette mesure rapporterait au bas mot cinq milliards d’euros
en 2020 ; l’extension de l’assiette des cotisations à tous les
éléments de rémunération (primes, intéressement, participation)
procurerait cinq milliards d’euros de ressources supplémentaires
; la mise à contribution des revenus financiers des entreprises,
qui échappent également à toute cotisation sociale, permettrait
de récupérer encore dix milliards d’euros.
L’application de ces dispositions permettrait largement d’éponger
le déficit des régimes des retraites.
|
Une
réforme des retraites pour des
raisons démographiques et financières
est-elle oui ou non nécessaire ?
Nous avons
toujours dit qu’une réforme était nécessaire pour assurer la pérennité
de nos régimes de retraite. Le nombre de retraités augmente, ils
seront 20 millions en 2020.
Et le rendement des pensions baisse, un tiers des retraités gagne
moins de
700 euros aujourd’hui. Une réforme du financement des retraites
est donc indispensable pour répondre à l’évolution des besoins.
La CGT a formulé des propositions dès 1993, à l’époque de la
première réforme des retraites engagée par Édouard Balladur.
Une autre réforme que celle présentée par le gouvernement
est-elle
vraiment possible ?
Bien sûr, mais nos propositions de financement des pensions se
heurtent d’abord à l’hostilité du patronat qui combat le droit
à la retraite à 60 ans comme il a combattu hier le droit aux congés
payés ou plus récemment
les 35 heures. D’où la nécessité de construire un rapport de
force plus favorable aux salariés. La part des dividendes dans le
PIB ne cesse de croître au détriment des revenus du travail, il
faut parvenir à inverser cette tendance pour financer les pensions.
Le total des dividendes distribués dans notre pays en 2009 s’élève
à environ 250 milliards d’euros, soit à peu près l’équivalent
du montant de l’ensemble des pensions versées aux retraités.
C’est dire s’il existe des marges de manœuvre pour répondre
aux besoins des retraités. Le patronat agite souvent comme un épouvantail
l’argument du
coût du travail qui serait prétendument trop élevé en France,
mais notre pays se situe de ce point de vue au huitième rang européen
en tenant compte de la productivité horaire du travail.
Pour autant, l’avenir des retraites ne sera pas durablement assuré
si le gouvernement ne change pas fondamentalement sa politique de
l’emploi.
L’activité est concentrée sur les 30-50 ans et les taux
d’emploi des jeunes et des seniors sont parmi les plus faibles
d’Europe.
|
Simultanément, les
conditions de travail se dégradent sérieusement, la souffrance est
telle dans les entreprises que de nombreux salariés aspirent à
quitter la vie professionnelle le plus vite possible. Il est donc
urgent de travailler autrement en desserrant l’étau sur les
conditions de travail et en augmentant les taux d’emploi aux deux
extrémités de la vie professionnelle.
Le gouvernement a dit qu’il ne se laisserait pas impressionner par
la rue. Crois-tu que l’action puisse faire bouger les lignes ?
On n’a jamais vu un gouvernement annoncer par avance qu’il cédera
sous la pression de la rue…
Nous sommes engagés dans une vraie dynamique de mobilisation : 800
000 manifestants le 23 mars, 1 million, le 27 mai, 2 millions, le 24
juin, à la veille des vacances. L’activité syndicale est restée
très intense cet été, à tel point qu’un éditorialiste du
Figaro s’est cru obligé de titrer : « Et si la CGT partait un
peu en vacances ? »
Cette dynamique de mobilisation est confortée par l’unité
syndicale, puisque cette fois-ci, les huit organisations appellent
ensemble les salariés à se mobiliser le 7 septembre.
Je remarque que ce cadre unitaire n’empêche pas la CGT de
développer ses propres propositions, sans réduire le niveau de ses
ambitions. En vérité, le gouvernement est beaucoup plus fébrile
qu’on ne le croit. Sinon pourquoi aurait-il refusé d’engager un
débat contradictoire avec l’ensemble des acteurs concernés sur
la réforme des retraites ? Nous continuons de réclamer une vraie
négociation. Le feuilleton de l’été sur les affaires de M.
Woerth n’est pas forcément fait pour rassurer le pouvoir, qui
cherche désormais à faire diversion en présentant un projet de
loi sur la sécurité au Parlement… le 7 septembre comme par
hasard.
La fcelle est un peu grosse et je crois que les gens ne sont pas
dupes. En son temps, le Premier ministre Dominique de Villepin avait
dit aussi qu’il ne céderait pas à la pression de la
mobilisation. On connaît la suite.
Éric Aubin
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