Projet
de réforme des retraites
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"Je
ne bénéficie pas d’un régime spécial, le projet de réforme
n’aura pas d’impact sur ma retraite…"
Tous les salariés sont concernés quel que soit leur régime
actuel de retraite donc bien sûr au premier plan les
salariés du privé couverts par le régime général. Outre
l’allongement de durée de cotisation pour tous, la prise en
compte de la moyenne des salaires sur les 43 années
d’activité (ou pas) contre les 25 meilleures années
aujourd’hui, affaiblira automatiquement le montant des
pensions pour tous que l’on soit rattaché à un régime
spécial ou pas.
"Je
n’ai pas de souci à me faire, avec la règle d’or inscrite
dans la loi, la valeur du point ne pourra pas baisser"
C’est l’un des plus beaux tours de passe-passe du premier
ministre ! Dans son discours prononcé le 11 décembre, il
parle de la valeur des points acquis durant la carrière. Or,
le montant final des pensions ne dépend pas de celle-ci (qui
est la valeur d’achat), mais du taux de rendement du point,
c’est-à-dire la valeur de service. Et cette valeur de
service sera négociée dans le cadre du vote du budget de
l’Etat.
Autant dire qu’en période d’austérité budgétaire, les
retraites pourraient devenir une variable d'ajustement.
"Comme
je suis né avant 1975, j’échappe à la réforme…"
Le premier Ministre a annoncé qu’il reculait l’année
d’application du système… mais pas la baisse des pensions.
Dès 2022, au-delà de l’âge légal de 62 ans, l’âge
d’équilibre fixé à 64 ans et le malus/bonus lié
s’appliqueraient à tous les salariés quelle que soit leur
année de naissance. A partir de cette date, tout salarié qui
voudra toucher sa retraite pleine et entière, sans décote,
devra travailler jusqu’à 64 ans. De plus, la principale
motivation du Gouvernement est de bloquer les ressources
consacrées aux retraites, soit 14 % de la richesse
nationale (PIB). Or, si la part du gâteau reste la
même, avec l’augmentation croissante du nombre de retraités,
ça fait moins de gâteau par personne. Donc, tout ça ne peut
mener qu’à une réduction des pensions individuelles.
"Un
système universel, c’est quand même plus juste..."
Un euro cotisé donnerait les « mêmes droits pour tous ». Le
principe de la réforme par points est donc de bâtir des
retraites reflétant les carrières. Aussi, les inégalités de
parcours professionnels et de salaires ne sont plus
corrigées. Certes, des mécanismes de solidarité seraient
prévus pour compenser les périodes de chômage, maladie ou
maternité mais leur financement dépendrait du budget de
l’Etat et serait donc soumis aux politiques de rigueurs
budgétaires. Si le système actuel crée un sentiment
d'injustice, il ne reflète pas la réalité. Si les règles de
calcul de la pension diffèrent selon le secteur, les niveaux
de pensions sont sensiblement égaux pour des salaires et des
carrières comparables.
"Je
suis une femme, j’ai tout à y gagner ! "
Ce n’est pas sûr ! La prise en compte de toute la carrière
au lieu des 25 dernières années, les périodes de temps
partiel et d’interruption pour charges familiales se
paieront cash. Pour les mères de famille, la validation des
périodes d’interruption pour élever des enfants est
maintenue mais seulement pour les familles de plus de 3
enfants, et sans préciser le nombre de points qui seraient
validés. Les majorations de 8 trimestres par enfant dans le
privé pour les femmes et la bonification de 10 % pour les
parents de plus de 3 enfants seraient supprimées. A la place
une majoration de 5 % au choix des deux parents pour chaque
enfant et une majoration de 2 % supplémentaire pour les
parents de plus de 3 enfants. Les projections ont montré que
la quasi-totalité des mères y perdraient, y compris celles
qui n’ont qu’un ou 2 enfants. Enfin, les pensions de
réversion ne seraient plus accessibles à 55 ans mais
seulement à l’âge de départ en retraite (donc pour la
majorité 64 ans), et les couples divorcés n’y auraient plus
accès (90% de femmes en bénéficient aujourd’hui !).
"Je
commence juste à travailler, de toute façon, avec la
crise, je n’aurai pas de retraite…"
En 1945, lorsque le Ministre du Travail Ambroise Croizat
(également secrétaire général de la CGT métallurgie) met en
place la sécurité sociale et le système de retraites,
« cette loi humaine et de progrès », le pays sort de la
guerre détruit et ruiné. Pourtant la retraite est mise en
place… Et la crise pétrolière des années 70 n’a pas empêché,
ensuite, d’obtenir en 1982 la retraite à 60 ans ! De plus,
le PIB (c’est-à-dire le total des richesses produites) est 4
fois plus important en 2018 (2282 milliards d’euros) qu’en
1982 (588 milliards) : le montant de la pension de retraite
n’est donc pas une question de moyens mais bien un choix
politique !
"On
a plus les moyens de maintenir le système de retraite par
répartition…"
Contrairement aux fonds de pensions, le système solidaire
par répartition ne peut pas être en faillite grâce à la
transmission instantanée des cotisations salariales vers les
pensions. Le gouvernement préfère parler de déficit. Non
seulement il existe un fond pour compenser le déficit (d’un
montant de 150 milliards d’euros), mais le Conseil
d’Orientation des Retraites reconnaît que les modalités de
calcul de l’estimation du déficit sont discutables. Des
économistes progressistes préfèrent parler de pseudo-déficit
qui provient essentiellement de la baisse des ressources et
principalement les exonérations de cotisations sociales.
D’autres scénarios sont plus optimistes et des mesures
pourraient permettre d’augmenter les recettes.
"La
seule solution, mettre de l’argent de coté pour m’assurer
une retraite"
Encore faudrait-il le pouvoir ! Près d’un français sur 4
n’arrive pas à boucler sa fin de mois et près de la moitié
est à découvert au moins une fois par an. Pour les plus
chanceux qui pourraient se permettre d’épargner en vue de
leurs retraites, encore faut-il se rendre compte de ce que
cela représente ?
D’après la fédération française des sociétés d’assurance, il
faudrait placer 2 mois de salaire par an pour atteindre une
pension équivalente à 75% du dernier salaire. Mais sans
avoir aucune garantie de restitution de cette épargne.
Aujourd’hui, avec le système par répartition, pour avoir un
taux de remplacement à 75% du dernier salaire, le montant
cotisé est de 10€ mensuel pour un salaire de 2500€…
"De
toute façon, le gouvernement ira jusqu’au bout "
Certes, l’exécutif semble déterminé, mais renoncer parce que
cela semble impossible, c’est le meilleur allié du
gouvernement pour faire passer son projet. Il mise
d’ailleurs dessus. Tout n’est pas joué alors qu’une majorité
de français sont opposés à ce projet. Mais l’engagement de
chacun est indispensable pour faire entendre ce
mécontentement. Il y a deux ans, les Belges ont fait plier
leur gouvernement qui avait les mêmes velléités. En 1995, le
gouvernement Juppé a également cédé face à la mobilisation
massive. Aujourd’hui, outre les syndicalistes, de nombreuses
voix s’élèvent pour dénoncer ce projet. L’élargissement des
mobilisations est non seulement nécessaire pour obliger le
gouvernement à renoncer à son projet mais c’est surtout
incontournable pour imposer une vraie réforme progressiste
de notre système de retraite par répartition. Rappelons-le,
toutes les conquêtes sociales ont été gagnées ainsi !
"Partir
à 60 ans, c’est une utopie…"
C’est pourtant devenu une réalité pour ceux qui ont commencé
à travailler avant 1981 et avant que la réforme Fillon de
2010 ne repousse l’âge légal de la retraite pour les
générations nées après 1951. Les contre-réformes des
retraites successives s’appuient sur l’allongement de
l’espérance de vie pour pousser les français à travailler
plus longtemps. Mais cette évolution vient en contradiction
avec le fait que les séniors sont les principales victimes
des plans sociaux et peinent à retrouver un emploi. Ainsi,
le taux d’activité des 55-59 ans s’élève à 72% et chute à
31% pour les 60-64 ans. Et pour ceux qui restent au travail,
de nombreuses recherches font état de problèmes de santé en
fin de carrière. Dans les faits, une majorité de salariés
s’arrêtent de travailler avant la retraite. L’enjeu d’une
vraie réforme serait de les laisser profiter d’une retraite
bien méritée. De plus, est-ce juste de faire travailler plus
longtemps quand il y a 6 millions de chômeurs ?
"Avec
une meilleure prise en compte de la pénibilité, le projet
du gouvernement me sera profitable…"
Il ne faut pas être dupe. La sortie récente « je
n’adore pas le mot pénibilité, car il donne le sentiment
que le travail serait pénible » résume la
méconnaissance du chef de l’Etat sur les réalités des
conditions de travail de nombreux salariés. Situation qui a
récemment été soulignée dans une enquête sur l’exposition
des salariés aux risques professionnels. Le gouvernement
n’a, d’ailleurs, donné aucune garantie sur cette question.
Or la remise en cause des régimes spéciaux dont certains
prenaient davantage en compte la pénibilité et le rabotage,
au fil des ans, des critères pénibilité ne laissent rien
présager de bon. La perspective de départ en retraite risque
de s’éloigner pour les travailleurs exposés et cela aura, à
n’en pas douter, des répercussions sur leur espérance de vie
en bonne santé.
"C’est
comme ça, il n’y a pas d’autres solution ! "
Notre système solidaire de retraite par répartition est l’un
des meilleurs au monde... mais effectivement, il a besoin
d’être amélioré. Il est, par exemple, nécessaire de prendre
en compte les années d’études ou encore répondre aux
inégalités femmes-hommes. En outre, la CGT revendique le
rétablissement du départ à la retraite à 60 ans avec
75 % du dernier salaire. Pour péréniser et renforcer
les droits à la retraite dans le système par répartition,
une réforme en profondeur du financement du système de
retraite dégagerait des ressources nouvelles. Par exemple,
la lutte contre la fraude aux cotisations sociales
permettrait de faire rentrer au moins 10 Mds d’euros dans
les caisses de la sécurité sociale, comme vient de le
démontrer la cour des comptes. De même, la fin des
inégalités salariales femmes-hommes rapporterait près de 6
milliards d’euros dans les caisses de retraites. De
nombreuses pistes existent, débattons-en!
Pour
nos retraites, agissons tous ensemble
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