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TEMPS DE TRAVAIL

 

Un arrêt récent de la Cour de Justice des communautés européennes remet en cause le système des heures d'équivalence mis en place dans de nombreuses branches d'activités. Pour les salariés concernés, l'intégralité du temps durant lequel ils restent à la disposition de leur employeur dans l'entreprise doit désormais être rémunérée.

Vers la suppression des heures d'équivalence

 

ON NE COMPTE PLUS LES BRANCHES D'ACTIVITÉS DANS LESQUELLES IL EXISTE UN RÉGIME d'heures d'équivalence : bâtiment et travaux publics, commerces de détail de denrées alimentaires, hôtels, cafés, restaurants, pharmacies, transports routiers, personnels ambulanciers roulants, pompiers, enseignement privé... Pour de nombreux salariés appartenant à ces secteurs, le temps passé dans l'entreprise, à la disposition de l'employeur, n'est pas considéré dans son intégralité comme du temps de travail. On les paye donc sur la base de la durée légale du travail, soit 35 heures hebdomadaires, alors qu'ils sont présents sur le lieu de travail et soumis aux directives de l'employeur durant 39 heures, 43 heures, voire plus selon les cas.

Par une décision très argumentée, la Cour de justice des communautés européennes vient de déclarer les heures d'équivalence incompatibles avec le droit communautaire. Le temps de travail des salariés concernés doit donc désormais être décompté selon les règles de droit commun.

 

Un régime dérogatoire profitable aux employeurs...

L'article L. 212-4 alinéa 4 du code du travail prévoit qu'une durée équivalente à la durée légale peut être instituée, uniquement par décret, dans les professions comportant des "périodes d'inaction" et pour des emplois déterminés. Le temps durant lequel le salarié se trouve dans l'entreprise et reste à la disposition de son employeur n'est donc pas intégralement rémunéré. Prenons quelques exemples. Dans les établissements pour enfants à caractère sanitaire, le personnel éducatif et soignant en chambre de veille travaille 40 heures par semaine. Mais en application d'un décret, il n'est rémunéré que pour 35 heures hebdomadaires (1). Dans les commerces de détail de denrées alimentaires, le personnel de vente perçoit une rémunération pour 35 heures de travail hebdomadaires alors que le temps de travail est fixé à 38 h 30 minutes.

Véritable aubaine pour les employeurs, le système des heures d'équivalence concerne, on l'a dit, de nombreux secteurs. Et les salariés payent un lourd tribut : leur rémunération est inférieure à celle correspondant au temps de travail réel, les durées maximales de travail sont supérieures à celles instituées par la loi et le paiement des heures supplémentaires - ainsi que l'octroi de repos compensateur - ont lieu uniquement pour les heures effectuées au-delà de la durée de l'équivalence (par exemple au-delà de 43 heures de travail par semaine pour les routiers "longues distances" ). Précisons toutefois qu'il est toujours "possible" de négocier, dans les entreprises visées, des régimes d'équivalences plus favorables que ceux institués par décret.

 

... désormais contraire au droit communautaire

Le régime français des heures d'équivalences vient d'être sérieusement remis en cause par un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Une décision de la cour en date du 9 septembre 2003 considère en effet qu'un service de garde effectué par un médecin dans un hôpital allemand doit être assimilé en intégralité à du temps de travail. Assistant en service de chirurgie, M. Jeager effectue 30 heures de travail "classiques" et 6 services de garde par mois, compensés par un supplément de rémunération et par l'octroi de temps libre. Ces gardes, durant lesquelles il doit être présent dans l'hôpital et intervenir en cas de besoin, succèdent à l'horaire de travail normal et durent, selon les cas, entre 16 et 25 heures. M. Jeager dispose d'une pièce équipée d'un lit où il est autorisé à se reposer lorsque ses services ne sont pas sollicités, ce qui représente à peine la moitié de son temps de garde. Du fait de sa présence obligatoire sur son lieu de travail et de sa disponibilité permanente vis-à-vis de son employeur, M. Jeager estime que l'intégralité de ses temps de gardes doit être assimilée à du temps de travail effectif, et rémunérée tels quels.

Les juges communautaires lui donnent raison. Peu importe que ce médecin ne soit pas actif en permanence et puisse se reposer : le temps durant lequel il est à la disposition de son employeur et présent physiquement à l'hôpital constitue dans son intégralité du temps de travail (2).

Cet arrêt emporte un certain nombre de conséquences importantes pour les salariés français soumis aux heures d'équivalences. Ces derniers doivent désormais réclamer auprès de leur employeur le paiement de l'intégralité des heures de présence dans l'entreprise, dès lors qu'ils restent durant ce temps à sa disposition. Et si l'employeur oppose un refus, les salariés peuvent saisir le conseil de prud'hommes qui devra trancher le litige conformément à la décision des juges communautaires.

Outre le versement du salaire minimum correspondant à la totalité des heures de travail, les majorations pour heures supplémentaires doivent, selon nous, être appliquées dès la 36e heure de travail hebdomadaire. Quant au repos compensateur, droit lié à l'accomplissement d'un certain nombre d'heures supplémentaires, il doit désormais être octroyé dans les conditions fixées par le code du travail.

Les règles de droit commun en matière de temps de travail doivent donc, à notre avis, être appliquées aux salariés concernés par un régime d'heures d'équivalence. A ce sujet, les juges de la CJCE apportent une précision importante. II est clairement affirmé dans leur décision que la notion de temps de travail ne relève pas du libre-arbitre des pays membres de PUE, mais du droit communautaire. Inutile donc, pour les employeurs concernés, d'invoquer la législation française ou les pratiques nationales pour échapper à leurs obligations.

 

Comment mesurer le temps de travail?

Le décompte des heures de "travail effectif" est primordial à plus d'un titre pour les salariés. Chaque heure de travail doit donner lieu à rémunération, au minimum équivalente au Smic ou, selon la qualification, aux grilles de salaires figurant sur la convention ou l'accord collectif applicable. La mesure du temps de travail conditionne, par ailleurs, le droit aux congés payés, le paiement d'heures supplémentaires au-delà de 35 heures effectuées, le droit au repos compensateur, ou encore les droits liés à l’ancienneté dans l'entreprise ou la branche professionnelle.

Aux termes de l'article L. 212-4 du code du travail, le temps de travail effectif est le temps durant lequel le salarié est à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Le temps de présence du salarié dans l'entreprise doit donc être intégralement rémunéré, y compris les pauses et les temps de repas, dès lors que ce dernier se trouve à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives. Par exemple, la période pendant laquelle le salarié est obligé de prendre ses repas sur place alors qu'il ne dispose, à raison de son emploi, d'aucune liberté pendant ce temps équivaut aux yeux des juges à du temps de travail effectif (3).

Bon nombre d'employeurs refusent, à tort, le paiement des temps de pause. Il faut savoir qu'en cas de litige à ce sujet, les juges examinent les conditions dans lesquelles sont prises ces pauses et le degré de dépendance du salarié. Si ce dernier ne peut sortir de l'entreprise, c'est qu'il ne dispose d'aucune liberté pour vaquer à ses occupations personnelles et reste à la disposition de son employeur. Ce temps doit par conséquent être rémunéré.

Les salariés soumis à un système d'heures d'équivalence peuvent maintenant prétendre à l'application de ces règles.

 

La loi Fillon sur les astreintes bientôt annulée ?

Lorsqu'on dit d'un salarié qu'il est d'astreinte, c'est qu'il a l'obligation, le plus souvent en dehors de ses horaires habituels de travail, de rester à son domicile ou à proximité et de se tenir à la disposition de son employeur pour pouvoir intervenir à sa demande au service de l'entreprise. C'est par exemple le cas du salarié qui doit rester à domicile le week-end pour solutionner des problèmes techniques par téléphone, ou qui se déplace jusqu'à l'entreprise en cas d'incident. Hormis les temps d'interventions du salarié, le nouvel article L. 21244 du code du travail, remanié par l'actuel gouvernement, dispose que les temps d'astreinte sont assimilés à du temps de repos. Or, pour les juges communautaires, un temps de repos se caractérise par le fait que le travailleur n'est soumis, à l'égard de son employeur, à aucune obligation susceptible de l'empêcher de se consacrer, librement et de manière ininterrompue, à ses propres intérêts (arrêt de la CJCE du 9 septembre 2003, off, n°C -151/02, point 94).

Quelle que soit la manière dont les astreintes sont organisées dans l'entreprise, il faut donc que les salariés bénéficient d'un véritable temps de repos, au sens où l'entendent les juges de Luxembourg, de 11 heures consécutives par jour et de 35 heures consécutives par semaine. Initiée par la CGT, une procédure est en cours devant le Comité européen des droits sociaux pour faire annuler les dispositions de la loi Fillon relatives à l'astreinte et au droit de repos.

En savoir plus: " Le droit du temps de travail, par Michel Miné, à paraître prochainement à la LGDJ.

 

 

(1) Décret du 22 mars 2002.     

(2) CJCE, affaire C -151/02 (voir notamment les points 65, 68, 69, 71) disponible sur le site www.caria.eu.int. Les juges communautaires l'avaient déjà affirmé, lors d'une précédente affaire, que "les éléments caractéristiques de la notion de travail sont présents dans les périodes de garde des médecins des équipes de premiers soins selon un régime de présence physique dans l'établissement de santé", CJCE 3 octobre 2000, Simap, Dr. ouv. 2000, p. 505, note M. Bonnechère     

(3) Cass. soc. 4 janv. 2000, pourvoi n° 97-43.026 P.     

 

 

La nouvelle vie ouvrière - 31 octobre 2003