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La nouvelle loi sur le harcèlement sexuel Travail & sécurité - décembre 2012
1. Une infraction dépouillée Créé par la loi, n°92-684, du 22 juillet 1992, le délit de harcèlement sexuel avait fait son entrée simultanément dans le Code pénal (art. 22233) et dans le Code du travail (art. L. 1153-1 et L. 1155-2). Ce délit répondait à une définition précise. Il était défini comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Souhaitant se rapprocher davantage des situations concrètes, le législateur avait jugé bon, ensuite, de modifier l'article 222-33 du Code pénal par la loi n°98-468 du 17 juin 1998, en ajoutant à la liste des comportements incriminés déjà existants (ordres, menaces ou contraintes) celui des « pressions graves » exercées sur les victimes.
Cet ajout, qui pouvait se justifier à bien des égards (nouvelle rédaction, qui se rapprochait de celle donnée par l'ancien Code du travail, issue de la loi n°92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail), ne rendait pas pour autant la lecture de l'infraction plus claire. En effet, la séparation entre la « contrainte imposée » et les « pressions graves» n'était pas toujours d'une application facile pour le juge. C'est avec la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 (dite loi de modernisation sociale) que la définition du harcèlement sexuel va se métamorphoser et d'un coup de gomme se réduire à cette phrase laconique: « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Le législateur avait ici supprimé toute référence à l'abus d'autorité. Ce qui se justifiait dans la mesure où la réalité des affaires judiciaires avait montré que ce délit pouvait être à juste titre caractérisé dans toute relation humaine et non pas seulement dans les rapports hiérarchiques liés au travail. Mais
surtout, la loi du 17 janvier 2002 avait supprimé toute référence aux
moyens par lesquels le harcèlement pouvait être réalisé (« ordres », 2. Une infraction censurée Dans un arrêt du 29 février 2012 (pourvoi n°11-85377), jugeant sérieuse la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la légalité de l'infraction de harcèlement sexuel, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait saisi le Conseil constitutionnel. C'est sans surprise que, vingt ans après sa création et dix ans après sa nouvelle définition, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle ladite infraction dans une décision du 4 mai 2012 (QPC n°2012-240). Il a considéré en effet que l'article 222-33 du Code pénal permettait que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis. Cette infraction méconnaît le principe de « la légalité des délits et des peines » (considérant n°5). Ledit principe, énoncé aux articles 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et 111-3 du Code pénal, exige que le législateur édicte des textes juridiques clairs et précis afin de protéger le justiciable contre toute poursuite judiciaire arbitraire. Dans une société démocratique, il est fondamental en effet que tout citoyen puisse apprécier par avance si ses tentatives de séduction au travail, mais également en dehors du travail, dépassent ou non les limites de la légalité. Ce qui n'était plus le cas avec le délit de harcèlement sexuel, tel qu'il était rédigé dans sa version issue de la loi du 17 janvier 2002. Cela étant, la disparition récente de l'infraction n'a pas fait basculer le droit français dans une zone de non-droit, loin s'en faut. Pour les affaires en cours, notamment si les faits litigieux étaient susceptibles de constituer une autre infraction pénale, le juge devait procéder à une autre qualification juridique des faits. Selon la nature des agissements, d'autres incriminations du Code pénal étaient en effet susceptibles de s'appliquer : les violences volontaires (art. 22211 et suivants), les agressions ou atteintes sexuelles (art. 222-22 et suivants), ou encore le harcèlement moral (art. 222-33-2). Par ailleurs, la disparition de l'infraction dans le Code pénal n'a pas eu pour effet de supprimer les dispositions relatives à l'interdiction du harcèlement sexuel figurant dans le Code du travail (art. L. 1153-1), pas plus qu'elle n'a eu pour résultat de faire disparaître les faits de harcèlement en tant que faute disciplinaire. Le salarié harceleur pouvait être passible de sanctions disciplinaires (art. L. 1153-6) pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave. Plus largement encore, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation a toujours eu le souci de renforcer la protection des victimes de harcèlements, en s'appuyant sur une conception large de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur en matière de protection de la santé physique et mentale des travailleurs (art. L. 4121-1 du Code du travail). Sur ce fondement, le salarié victime de tels agissements peut toujours alléguer un manquement de l'employeur à cette obligation de sécurité devant le conseil des prud'hommes. Le salarié harcelé peut ici obtenir non seulement la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur par la voie d'une prise d'acte de rupture (entraînant les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse), mais aussi le versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Toutefois, tant pour des raisons politiques et juridiques que pour les enjeux sociétaux que cela représente, il était opportun pour le législateur de reprendre la main et d'élaborer un nouveau texte définissant de manière suffisamment claire et précise les éléments constitutifs du harcèlement sexuel. 3. Une infraction repensée Le Parlement a donc adopté le 6 août dernier une nouvelle loi relative au harcèlement sexuel, en rétablissant l'article 222-33 du Code pénal et en donnant une définition beaucoup plus précise des éléments constitutifs de l'infraction. Le harcèlement sexuel, puni de deux ans d'emprisonnement et 30000 € d'amende, consiste désormais dans le fait: d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; ou même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Ces peines sont portées
à trois ans d'emprisonnement et 45000 € d'amende lorsque les faits sont
commis :
à un état de grossesse,
est apparente ou connue de leur auteur; Dans un souci de cohérence, la loi du 6 août 2012 a modifié l'article L. 1153-1 du Code du travail définissant le harcèlement sexuel. Il est en effet logique que ledit article reprenne avec toute la précision exigée par le Conseil constitutionnel la nouvelle définition de l'article 222-33 du Code pénal, issue de la nouvelle loi. À noter également que la loi du 6 août 2012 alourdit les sanctions prévues pour le délit de harcèlement moral. La peine d'emprisonnement passe d'un an à deux ans et l'amende de 15000 € à 30000 € (art. 22233-2 du Code pénal). La loi crée en outre un délit dans le Code pénal concernant les discriminations liées au harcèlement sexuel, en y insérant le nouvel article 225-1-1. Celui-ci sanctionne la discrimination dont seraient victimes les personnes qui ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés. De la même manière, l'interdiction des discriminations liées au harcèlement sexuel, qui existait déjà dans le Code du travail à l'article L. 1153-2, a été modifiée par la loi du 6 août 2012 et ce, afin d'assurer la cohérence avec la définition donnée par le Code pénal (art. 225-1-1 précité). Ainsi, un salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel, « y compris (et c'est là où réside la nouveauté) si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée ». Les sanctions prévues par l'article L. 1155-2 du Code du travail modifié réprimant les faits de discrimination commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel, sont d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 €. Parmi les nombreuses dispositions de la loi du 6 août 2012, il convient également de souligner que la liste des infractions (art. L. 8112-2 du Code du travail) que les inspecteurs peuvent constater a été élargie pour permettre la constatation des délits de harcèlement sexuel prévus par l'article 222-33 du Code pénal, s'ils sont commis dans le cadre des relations de travail. À noter: une circulaire du 7 août 2012 élaborée par la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice apporte des précisions utiles sur l'ensemble des modifications apportées par la loi du 6 août 2012 ainsi que sur ses conditions d'application (crim. 2012-15/E8-07.08.2012).
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