GUIDE PRATIQUE
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OBTENIR LE PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES.
L’accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées est le lot quotidien de nombreux salariés. Pourtant, les obligations de l’employeur en matière de décompte du temps de travail et l’allègement de la charge de la preuve en faveur du salarié devraient inciter à plus de collectivité. En 1999, un salarié sur deux a déclaré accomplir des heures supplémentaires selon les derniers chiffres de la Dares. Et le passage aux 35 heures ne fait pas reculer le problème bien au contraire. Rares sont, en effet, les entreprises qui procèdent aux embauches compensatrices. Contraints d’effectuer en 35 heures ce qu’ils faisaient en 39, le recours aux heures supplémentaires est de fait imposé à bon nombre de salariés. Dés lors qu’elles sont accomplies à la demande de l’employeur, ou au moins avec son accord implicite, les heures supplémentaires doivent donner lieu à bonification, sous forme de repos ou de salaire (Cass. Soc. 30 mars 1994, Collet c/Cramif, pourvoi n° 90-43.246). Assez fréquemment, ce dernier refuse de les payer au motif qu’elles ont été effectuées de la propre initiative du salarié, donc sans son autorisation. Mais la jurisprudence considère que le salarié n’a pas à apporter la preuve d’une quelconque autorisation, laquelle résulte implicitement de la charge de travail qui lui est confiée. (Cass. Soc. 19 avril 2000, société imprimerie STP Multipress c/Boutiller, pourvoi n° 98-41.071). Bien au contraire, c’est à l’employeur de démontrer qu’elles ont été accomplies à son insu pour en refuser le paiement (Cass. Soc. 23 novembre 1994). Peu de salariés vont au contentieux en matière d’heures supplémentaires, persuadés de se heurter à d’insurmontables difficultés de preuve. Pourtant la loi et la jurisprudence tiennent compte de ces difficultés et facilitent le rôle du salarié lors du procès. Avant la saisine des prud’hommes, ce dernier dispose, en outre, de moyens de pressions non négligeables. Que faire en cas de non paiement ? Tout salarié qui n’obtient pas le paiement de ses heures supplémentaires peut refuser d’en effectuer d’autres alors même que l’employeur le lui demande expressément (Cass. Soc. 7 décembre 1999, société Base de Louviers c/Fortier, pourvoi n° 97-42.878). Cette solution se fonde sur un principe simple et logique : puisque l’employeur ne remplit pas ses obligations, alors le salarié n’est pas tenu d’exécuter les siennes. Le salarié peut ensuite faire appel à l’inspection du travail (Art. L. 611-1 du Code du Travails). Le chef d’établissement doit tenir à sa disposition, pendant une durée de un an, " les documents existants dans l’établissement qui lui permettent de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié " (Art. L. 611-9 du code du travail). L’inspecteur du travail qui constate le non-paiement d’heures supplémentaires peut adresser une mise en demeure à l’employeur, voire dresser un procès verbal. Le chef d’entreprise risque alors une peine d’amende de 1300 à 3000 F (Art. L. 261-4 du code du travail). Par ailleurs, lorsque le bulletin de paie mentionne un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, et que cette mention ne résulte pas d’un accord collectif relatif à la durée du travail, l’employeur se rend coupable du délit de travail dissimulé (Art. L. 324-10 du code du travail - emprisonnement de deux ans et 200 000 F d’amende- Art L. 362.3 du même code). Le salarié qui n’obtient pas le paiement de ses heures supplémentaires peut également considérer son contrat de travail comme rompu aux torts de l’employeur. La jurisprudence fournit de bons exemples : un salarié des magasins Leclerc, chef de rayon, présente à sa direction une demande de rappel de salaires correspondant à l’accomplissement d’heures supplémentaires sur une période de quatre ans. Face au refus de son employeur, il déclare, par lettre, prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Il demande, outre le rappel des heures supplémentaires, des dommages réelles pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A juste titre selon la cour de cassation : " l’inexécution par l’employeur de ses obligations contractuelles s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse " (Cass. Soc. 9 avril 1998, pourvoi n° 96-44.507). Mais le salarié peut tout aussi bien décider de conserver son emploi. Le refus réitéré de son employeur quant au paiement des heures supplémentaires le contraindra alors à saisir le conseil de prud’hommes. Si sa demande porte sur plusieurs années (cinq ans au maximum) le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts distincts des intérêts de droit (Cass. Soc. 7/2/2001). Répartition de la charge de la preuve au procès. Puisque l’employeur est tenu de comptabiliser les heures de travail de chaque salarié, il est légitime qu’il produise en justice les documents nécessaires au décompte(Art L.611-9, L 620-2 du code du Travail et Cass. Crim. 7 sept 1999). C’est bien ce que prévoit la loi : " En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles ". (Art L.212-1-1 du code du travail). Selon les juges, le défaut de conservation des documents de décompte pendant le délai légal d’un an constitue un indice permettant d’établir l’accomplissement d’heures supplémentaires (Cass. Soc. 13 octobre 1998, Société Rivhôtel c / Benyoub, pourvoi n° 96-42.374). Pour comptabiliser le temps de travail des salariés, l’employeur peut procéder à des enregistrements automatiques, notamment informatiques, à condition que ceux-ci soient fiables et infalsifiables (Art L.212-1-1 du code du travail). A ce propos, la commission nationale informatique et libertés vient d’émettre un avis défavorable concernant le recours aux méthodes d’identification par empreintes digitales. Une telle base de donnée risque en effet être exploitée afin d’identifier les personnes, ou plus exactement, de les pister, à partir d’objets qu’elles ont touché (CNIL, 21e rapport d’activité, disponible sur www.cnil.fr). Puisque l’employeur conteste le paiement, donc l’existence des heures supplémentaires, ce dernier va tenter de fournir au juge, dans la plupart des cas, des documents qui ne reflètent pas les heures effectivement accomplies. Un planning reste bien souvent théorique, tout comme le nombre d’heures inscrit sur le bulletin de paie. En principe, de tels éléments ne peuvent être retenus par les juges parce qu’ils ne satisfont pas à l’exigence de fiabilité. Dans ce cas, les conseillers prud’hommes se déterminent uniquement au vu des éléments apportés par le salarié s’ils les estiment suffisants. D’ou la nécessité pour le salarié, comme l’indique l’article L. 212-1-1 du Code du Travail, de fournir des éléments à l’appui de sa demande. Un arrêt récent de la Cour de cassation apporte des précisions sur le rôle du salarié dans le processus probatoire. Licencié pour motif économique, un chauffeur routier saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir, entre autres, le paiement d’heures supplémentaires. La cour d’appel rejette sa demande au motif qu’une indication moyenne des heures supplémentaires prétendument effectuées est insuffisante, dans la mesure où elle ne permet pas à l’employeur de se défendre. Ce n’est pas l’avis de la cour de cassation : le salarié n’est pas tenu de devancer l’employeur sur le terrain de la preuve et de présenter au préalable un décompte exact des heures accomplies (Cass. Soc. 10 mai 2001). Cette solution se comprend aisément lorsque l’employeur ne décompte pas le temps de travail, le salarié peut se trouver dans l’impossibilité de chiffrer avec exactitude le nombre d’heures effectuées, surtout si sa demande porte sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Quels moyens de preuve pour le salarié ? En matière prud’homale, la preuve est libre et le salarié peut présenter au juge tout élément tendant à montrer la réalité des heures accomplies. Ont été retenues par les magistrats : une description précise, établie par le salarié lui même, des tâches qu’il accomplissait au delà de l’horaire légal, des attestations d’anciens collègues, une attestation établie par le conseiller du salarié lors de l’entretien préalable au licenciement (Cass. Soc. 7 février 2001, Cass. Soc. 9 avril 1998, société Andrezieu c / Morel, pourvoi n° 96-44.507, Cass. Soc. 27 mars 2001). De même, si le temps de présence théorique des employés d’une station-service est inférieur aux horaires d’ouverture, c’est bien qu’il y a eu réalisation d’heures supplémentaires (Cass. Soc. 4 juin 1997, Société Socauto c / Chastang, pourvoi n° 94-44.394).Autres éléments que le salarié peut produire ; témoignage des clients, ou fiches mentionnant le temps de travail chez eux, attestations des agents de sécurité postés à l’entré de l’entreprise, tickets de caisse lorsqu’ils comportent l’heure de l’opération, etc. Si les juges estiment manquer d’information pour statuer, une enquête peut être ordonnée à leur initiative par la désignation de conseillers rapporteurs. (Art. 516-21 du Code du Travail). Précisons que le salarié, dés lors qu’il a en sa possession suffisamment d’éléments tangibles, peut saisir le juge des référés sur le fondement de l’article R. 516-31 : La formation de référé peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite. L’affaire doit dans ce cas être jugée dans les plus brefs délais.
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