GUIDE PRATIQUE
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LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES Ordre
des licenciements Avant de
procéder à des licenciements, tout employeur doit respecter certains
critères déterminant l'ordre des départs des salariés. L'objectif
est d'instaurer un minimum de justice sociale et d'éviter un choix
arbitraire des salariés licenciés. TOUT EMPLOYEUR
DOIT, lorsqu'il décide de procéder à un ou plusieurs licenciements pour
motif économique, respecter plusieurs critères lorsqu'il choisit le ou
les salarié(s) prochainement licencié(s). Le respect de ces critères
n'est toutefois obligatoire que si certaines conditions, relatives au
nombre de postes supprimés dans une même catégorie professionnelle,
sont réunies. Quels sont ces critères, qui les choisit ? Si le
licenciement est individuel, l'employeur est tenu d'appliquer les
critères fixés par la loi. Si plusieurs salariés vont être licenciés,
deux possibilités se présentent : Ou bien la convention collective
applicable comporte des critères fixant l'ordre des licenciements, auquel
cas l'employeur doit les respecter ; ou bien il n'existe pas de critères
conventionnels ; il lui revient alors de définir lui-même ces critères
en tenant compte de ceux fixés par l'article L. 321-1-1 du Code du
travail : les
charges de famille (en particulier celles de parents isolés) ; l'ancienneté
de service dans l'établissement ou l'entreprise ; la
situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales
rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile
(notamment les personnes handicapées et les salariés âgés) ; les
qualités professionnelles appréciées par catégorie. À condition
de tenir compte de l'ensemble de ces critères, l'employeur peut en
ajouter d'autres. Il peut également en privilégier certains, ce qui est
généralement le cas avec les compétences professionnelles. En pratique,
les employeurs instaurent un barème de notation et attribuent plus de
points aux salariés " compétents " pour les mettre à l'abri.
Pour parvenir à une certaine transparence et éviter un tri arbitraire
des futurs licenciés, les salariés et leurs représentants doivent
veiller, d'une part, à l'objectivité des éléments invoqués par
l'employeur pour justifier ses choix, et d'autre part, à la pertinence du
découpage des catégories professionnelles dans l'entreprise. Quelques
outils juridiques peuvent les y aider. Avant
l'application des critères des éléments d'information fiables
L'ensemble des critères énoncés par le Code du travail ou par la
convention collective doit être pris en compte par l'employeur. Ce
dernier doit donc disposer au préalable d'informations fiables concernant
l'ancienneté, l'âge, la qualification, les qualités professionnelles ou
encore la situation de famille des salariés. Les juges considèrent qu'un
employeur manque à ses obligations en s'abstenant de vérifier que les
informations utilisées sont toujours valables. Un chef d'entreprise qui
s'était fondé uniquement sur les renseignements figurant sur la fiche
d'embauche d'une salariée, établie 11 ans auparavant, sans tenir compte
du passage à la retraite de son mari, a ainsi été condamné au
versement de dommages et intérêts (1). Pour éviter
les litiges ultérieurs, les élus du comité d'entreprise peuvent
toujours demander, lors de la consultation relative aux critères retenus
pour fixer l'ordre des licenciements, de vérifier que les informations
dont dispose l'employeur sont bien à jour. Le critère des compétences professionnelles Dans la pratique, les employeurs privilégient le critère des compétences professionnelles. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils peuvent licencier sans avoir de comptes à rendre, au simple motif que tel salarié est " meilleur " qu'un autre. Les juges considèrent en effet qu'il est interdit d'établir un classement uniquement au vu de la valeur professionnelle des salariés en décidant que les charges de famille et l'ancienneté dans l'entreprise ne seront prises en compte qu'à défaut de pouvoir effectuer un choix entre les salariés au vu de leurs qualités professionnelles (2). On l'a déjà dit, l'ensemble des critères prévus par la loi ou la convention collective doivent être respectés. S'il privilégie le critère des compétences professionnelles, l'employeur doit justifier d'éléments objectifs et pertinents. Par exemple, opérer un choix en fonction des diplômes obtenus est considéré comme insuffisant par les tribunaux (3). Les représentants du personnel peuvent intervenir pour obtenir des garanties de transparence et de loyauté de la part de l'employeur. Si ce dernier affirme vouloir privilégier les compétences professionnelles, alors les élus du CE peuvent faire pression, avec le concours des salariés, pour obtenir communication des notes, entretiens d'appréciation ou encore déroulement de carrière des salariés de la catégorie professionnelle dans laquelle vont avoir lieu les licenciements. Attention, l'appréciation des aptitudes professionnelles ne doit pas elle-même reposer sur des critères subjectifs, du style " mauvais caractère ", " esprit rebelle ", ou discriminatoires, par exemple en faisant allusion aux activités syndicales. Si l'employeur refuse de fournir des faits précis ayant une incidence sur la valeur professionnelle des salariés, alors il sera tenu de communiquer au juge, en cas de contentieux, des renseignements sur les autres salariés occupant le même emploi et les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter ses choix (4).
Découpage des catégories professionnelles Les critères fixant l'ordre des licenciements s'appliquent au sein de la catégorie professionnelle à laquelle appartiennent les emplois supprimés. Font partie d'une même catégorie les salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle et une qualification similaires. Une affaire portée devant la Cour de cassation illustre bien cette règle. Le directeur d'un magasin dont l'exploitation était déficitaire avait été licencié pour motif économique. Le chef d'entreprise a été condamné pour ne pas avoir vérifié que l'intéressé était bien, parmi la douzaine de responsables de magasins appartenant à la société, le salarié qu'il fallait licencier. L'employeur aurait dû en effet faire application, au sein de cette catégorie de personnel, des critères légaux ou conventionnels fixant l'ordre des licenciements (5). Conséquence de ce principe: un salarié travaillant dans un service qui, a priori, n'est pas visé par des licenciements peut perdre son emploi alors que son poste n'est pas supprimé. Par exemple, le service commercial d'une entreprise peut être voué à disparaître sans que les secrétaires travaillant dans ce service soient licenciés(es). L'employeur doit, en effet, faire application des critères parmi l'ensemble des secrétaires travaillant dans l'entreprise. Ceux qui restent remplaceront par la suite les salariés licenciés et dont le poste n'a pas été supprimé. Autre conséquence : les critères fixant l'ordre des licenciements s'appliquent uniquement si l'employeur doit effectuer un choix entre plusieurs salariés d'une même catégorie professionnelle. Ainsi, lorsque tous les postes de l'entreprise appartenant à la même catégorie sont supprimés, alors il n'y a pas de critères à appliquer (6). Idem si le licenciement vise un poste unique dans sa catégorie, par exemple si l'employeur décide de se séparer de son service comptabilité comportant un seul salarié. Pour éviter un choix arbitraire des victimes des licenciements, les élus du personnel doivent vérifier que l'employeur ne fractionne pas les catégories professionnelles en sous-catégories ; car plus les catégories sont étroites, moins l'ordre des licenciements trouve à s'appliquer. En cas de litige portant sur le découpage des catégories professionnelles, les juges ont en principe un rôle actif ; ils doivent rechercher les éléments de fait et inviter les parties à produire des preuves relatives à L'organisation de l'entreprise et aux profils des postes occupés
(1) Cass. soc. 2 nov.1993, pourvoi n° 90-40.327.(2) Cass. soc. 21 mars 2002, pourvoi n° 00-40.899. (3) Cass. soc. 17 mars 1993, RJS5/93, n° 501. (4) Cass. soc. 30 juin 1993, pourvoi n° 91-43.426. (5) Cass. soc. 21 juin 1994, pourvoi n° 93-40.670. (6) Cass. soc.14 janvier 2003, pourvoi n° 00-45.700.
La Nouvelle Vie Ouvrière - 12 septembre 2003
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