GUIDE PRATIQUE


 

Critères d'ordre des licenciements

Loi sur la Sécurisation de l'Emploi

Le Portage Salarial enfin encadré

La Nouvelle loi sur le harcèlement sexuel

Perte du permis de conduire et licenciement

Crédit d'heures et Primes Variables

Le harcèlement moral Collectif reconnu par les juges 

Harcèlement moral : en cas d'agissements répétés

Report des Congés Payés en cas de maladie

Heures supplémentaires : ce qui va changer

Les congés pour soigner un membre de sa famille

Guide Commercial UGICT 

Les Comités d'Entreprise et la CNIL

Le Congé Formation Économique, Sociale et syndicale

La validation des Accords d'Entreprise

Les registres obligatoires dans l'entreprise

La Validation des Aquis de l'Expérience Professionnelle

CHSCT : Obligations de l'Employeur

Conditions de Travail : évaluer et prévenir

Temps de travail : suppression des heures d'équivalence ?

Licenciements économiques : critères d'ordre

Avantages en nature

Licenciement abusif

Paiement du temps de trajet

Réduire le risque au travail

Loi de modernisation sociale

Le congé de paternité

Les contraintes vestimentaires au travail

Un salarié peut-il refuser une tâche ?

Obtenir le paiement des heures supplémentaires

Confidentialité du courrier électronique

Égalité homme / femme

Licenciement pour maladie

La taxe Tobin

Calculer et préparer sa retraite

 

 

 

CONFIDENTIALITE DU COURRIER ELECTRONIQUE

 

Le respect de la vie privée

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance (1). Il est acquis de longue date que l'employeur ne peut ouvrir un courrier personnel adressé au salarié sur son lieu de travail (2). La violation du secret des correspondances peut être sanctionnée sur le plan civil (3) ou pénal (4). Pour agir devant les juridictions répressives, il faut cependant démontrer la mauvaise foi de l'employeur. Ce qui signifie qu'il peut invoquer une erreur ou une confusion lors de l'ouverture d'une lettre si cette dernière semble être destinée à l'entreprise (le cas d'un courrier adressé à " M. Durand, attaché commercial ") (5). À l'inverse, l'interception d'un courrier portant la mention " personnel " ou " confidentiel " caractérise sa mauvaise foi. Certains employeurs pensent s'arroger le droit de contrôler le courrier de leurs salariés en mentionnant dans le règlement intérieur l'interdiction d'expédier ou de recevoir du courrier privé. Si ces dispositions peuvent justifier un rappel à l’ordre ou une sanction pour ceux qui ne les respectent pas, elles n'autorisent pas pour autant l’ouverture d'un pli par une personne autre que le destinataire. Rappelons en effet que le règlement intérieur doit être conforme non seulement au droit du travail, mais également aux autres branches du droit, comme le droit pénal. Est donc considérée comme illégale une clause prévoyant l'ouverture du courrier adressé aux salariés (6). Le principe est le même concernant l'utilisation de la messagerie électronique. Un jugement récent a en effet décidé que " l'envoi de messages électroniques de personne à personne constitue de la correspondance privée ". Les e-mails à caractère privé envoyés ou reçus à partir du poste de travail ne peuvent donc être consultés par l'employeur, peu importe l'existence d'une charte informatique comportant des dispositions contraires (7). Concernant ces chartes informatiques, de plus en plus nombreuses, il faut préciser qu'elles sont généralement soumises aux dispositions du Code du travail relatives au règlement intérieur, dans la mesure où elles édictent des règles d'utilisation des outils informatiques et énoncent des sanctions en cas de non-respect (8). Ceci implique au moins deux choses. D’une part, l’obligation pour l’employeur de procéder aux diverses consultations, ainsi qu’aux formalités de publicité prévues par la loi. D’autre part, l’interdiction d’y faire figurer des clauses restreignant les droits des personnes et les libertés individuelles de façon injustifiée. Selon la Cnil, une charte interdisant aux salariés d’utiliser la messagerie électronique à des fins non professionnelles paraît tout à la foi irréaliste et disproportionné, qu’elle soit signée ou non par les salariés. Les libertés individuelles des travailleurs ne pouvant être supprimées dans l’entreprise, l’utilisation privée des outils de communication doit être régie par la notion " d’usage raisonnable " (9).

 

Informer et consulter

Les salariés doivent être avisés de la mise en place d’un système de surveillance dans l’entreprise, quel qu’il soit. Selon l’article L. 121-8 du Code du travail, " aucune information concernant personnellement un salarié […] ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié […]. " Cette information peut prendre la forme d’une réunion ou d’une note, remise ou affichée. Le non-respect de cette obligation entraîne l’interdiction pour l’employeur de sanctionner le salarié en utilisant des éléments dont il a eu connaissance à l’aide de procédés de surveillance installés à son insu (10). Par ailleurs, la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 prévoit l’obligation d’informer les salariés et de leur droit d’accès et de rectification relatif aux informations nominatives collectées par l’employeur (11). Quant au comité d’entreprise, il est obligatoirement consulté avant toute installation de techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (art. L. 432-2-1 du Code du Travail). Plus précisément, le CE doit être saisi dès lors que l’employeur projette d’introduire dans l’entreprise des moyens qui rendent possible la surveillance des salariés, même si ce n’est pas l’objectif annoncé. A défaut, le délit d’entrave est constitué. Exceptionnellement, l’installation de certains dispositifs peut échapper à la procédure d’information et consultation. Tel est le cas d’un système de vidéosurveillance, dès lors qu’il se trouve placé dans les entrepôts de marchandises ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas (12). Plus curieusement, il en est de même concernant l’obtention de relevés de facturation détaillée correspondant aux postes téléphoniques des salariés (13). Cette solution est manifestement contraire aux dispositions de la loi " informatique et libertés " qui prévoit l’information des salariés lorsque l’employeur tient des fichiers contenant des informations nominatives à leur sujet, ainsi qu’à l’article L. 432-2-1 du Code du travail.

Dernière étape de la procédure, l’employeur doit procéder à une déclaration auprès de la Cnil. L’absence de déclaration, y compris par négligence, constitue un délit puni de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 francs d’amende (14) et entraîne l’illicéité du moyen de preuve obtenu frauduleusement (15).

 

 

Secret des correspondances électroniques et vie privée au travail.

 

NOMBREUX SONT LES SALARIÉS qui se posent la question : mon employeur peut-il fouiller dans mon ordinateur et y lire les messages électroniques privés ? L’administration, certains tribunaux et la Commission nationale informatique et libertés (Cnîl) y ont déjà répondu par la négative, appliquant un principe fondamental selon lequel " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance". Cette position vient d'être confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt Nikon du 2 octobre 2001, décision dont la portée est double. D'une part, la protection déjà applicable aux courriers papier est étendue aux courriers électroniques émis et reçus par le salarié dans l'entreprise. D'autre part, c'est la première fois qu'est affirmé le droit du salarié, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée.

Licencié pour avoir utilisé la messagerie à des fins personnelles

Les faits sont les suivants. Engagé par la société Nikon comme ingénieur, M. Onof conclut un accord de confidentialité lui interdisant de divulguer certaines informations. Le soupçonnant de ne pas respecter cet accord et d'exercer une activité parallèle sur son temps et lieu de travail, l'employeur entreprend de fouiller le disque dur de l'ordinateur du salarié en l'absence de ce dernier et sans l'en informer. C'est en ouvrant un dossier intitulé "personnel" comportant des messages électroniques émis et reçus par le salarié que l'employeur voit ses soupçons confirmés. Il le licencie alors pour faute grave, motif pris d'un usage à des fins personnelles du matériel informatique.

Se fondant sur le contenu des messages versés aux débats par l'employeur, la cour d'appel considère le licenciement justifié. À tort selon la Cour de cassation : l'employeur ne peut, sous peine de violer le droit au respect de l'intimité de la vie privée, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail. Et ce principe vaut même lorsque l'employeur interdit une utilisation de l'ordinateur à des fins privées. l'existence d'une charte informatique dans l'entreprise, même signée par une ou plusieurs organisations syndicales, voire par les salariés, ne peut donc autoriser l'employeur à lire les courriels personnels de ses salariés.

 

Le secret des correspondances privées

Le droit au secret des correspondances privées est posé, entres autres, par l'article 9 du Code civil, l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 226-I du Code pénal.

En application de ces textes, il est acquis de longue date que l'employeur ne peut ouvrir un courrier personnel "version papier "adressé au salarié sur son lieu de travail. Un courrier électronique étant une correspondance, c'est fort logiquement que la Cour de cassation vient de lui étendre ce principe.

Aussitôt la question se pose de savoir comment différencier un courrier personnel d'un courrier professionnel. Pour le courrier papier, dès lors que l'enveloppe est destinée au salarié en sa qualité de membre de l'entreprise, c'est-à-dire comporte le nom de l'entreprise, celui de l'intéressé, ainsi que sa fonction, alors le pli est présumé professionnel. Tel est le cas d'un courrier adressé au CNRS, "à l'attention de M. Durand, attaché commercial". À l'inverse, l'interception d'un courrier portant la mention "personnel" ou "confidentiel" viole nécessairement l'intimité de la vie privée du salarié.

Bien évidemment, le courrier électronique se présente sous un aspect différent. Lorsque ce dernier arrive dans la boîte, son objet apparaît avant même qu'il soit ouvert.

Il est ainsi relativement simple pour l'employeur de vérifier son caractère professionnel avant d'en prendre connaissance. Il est néanmoins conseillé, pour les salariés qui archivent leurs messages, de créer un dossier intitulé "personnel " pour éviter les ambiguïtés (ce qu'avait

fait le salarié dans l'affaire Nikon). Certains crient déjà à l'irresponsabilité des juges : l'impossibilité de vérifier le contenu des messages personnels des salariés comporterait de gros risques pour la sécurité informatique de l'entreprise. Il est vrai que les virus pénètrent souvent dans les réseaux par les fichiers joints aux messages électroniques. Mais, comme le préconise Gérard Lyon-Caen, professeur émérite à l'Université Panthéon Sorbonne, "le droit, principalement celui des libertés individuelles, n'a pas à s'incliner devant l'état de la technologie; c'est à la technologie de s'adapter (elle en est très capable) aux exigences fondamentales du droit ".. Les faits lui donnent raison: il existe d'ores et déjà des logiciels capables de détecter les virus sans ouvrir les messages ni les supprimer. Il suffit alors d'informer le salarié de la dangerosité du courrier en question.

 

Le respect de l'intimité de la vie privée

De nombreux litiges ont déjà donné l'occasion aux juges de sanctionner les atteintes patronales à la vie privée et aux libertés individuelles des salariés. En matière de licenciement, par exemple, lorsque les faits invoqués par l'employeur relèvent

de la vie personnelle du salarié. Idem pour les fouilles corporelles injustifiées ou les écoutes téléphoniques pratiquées à l'insu des salariés. Mais l'arrêt Nikon va plus loin et pose un principe général inédit: " Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. "

Attention, l'affirmation d'un tel principe ne règle pas pour autant la question de l'utilisation privée des outils informatiques de l'entreprise. Plus concrètement, il n'affirme pas le droit pour les salariés d'utiliser à des fins personnelles le matériel mis à leur disposition. Ces derniers peuvent toutefois s'appuyer sur une recommandation récente de la Cnil pour revendiquer le maintien d'un contact avec l'extérieur pendant le temps de travail. Selon la commission, les libertés individuelles des travailleurs ne peuvent être supprimées dans l'entreprise, ce qui implique une utilisation des outils de communication régie par la notion d'usage raisonnable . Autrement dit, un salarié doit être joignable sur son lieu de travail ou doit pouvoir, par exemple, appeler son médecin. Ce qui laisse la possibilité à l'employeur de sanctionner les abus.

Quant aux clauses des chartes informatiques interdisant purement et simplement l'utilisation de la messagerie électronique à des fins privées, la Cnil les considère tout à la fois irréalistes et disproportionnées.